Depuis 2020 nous traversons tous à l’échelle planétaire, un moment historique où l’invisible, un virus, menace notre santé. Nos équilibres, nos habitudes, nos codes ont été dérangés. Notre vie a été déréglée.
La contagion, la menace pour sa santé et celle des autres, nous maintient toujours à une certaine distance. Le danger a ôté la liberté et l’insouciance de nos déplacements, de nos rencontres, de nos élans affectifs. En ordonnant à chacun un nouvel ordre de vie et de repères. Parfois dans la confusion de messages contradictoires et un caractère implacable.
Ces longs mois demeurent incertains quant à leur issue. Aucune promesse ne peut être véritablement tenue et garante de l’avenir.
La garantie de l’Autre se pose et est au cœur du sujet. Sujet soulevant nos peurs archaïques et universelles.
Les médias colportent de nombreuses informations avec des conséquences sur le moral. Créant des ambiances lourdement chargées par un contexte sans précédent dans nos vies. Ceci véhiculent peur, incertitude et ignorance quant à l’issue. Ce qui accentue la gravité par les émotions, les pensées qu’elles suscitent voir amplifient. En témoigne cet article extrait d’une émission radio sur France inter, où est invitée une pédopsychiatre de Rennes.
Nous pouvons parfaitement y réaliser la montée en stress comme un effet de groupe. Une actualité très restrictive et annonciatrice de perspectives bloquantes (sans occulter cette réalité).
Tous les âges sont impactés par l’anxiété actuelle
Des conditions d’arrivée au monde dans les salles de naissances, à l’accueil en crèche ou scolaire. Que dire des étudiants longuement privés de leurs lieux d’enseignements, marqueurs d’une appartenance et rassemblement à l’aube d’une voie professionnelle.
Le travail de bureau a forcé le seuil de la maison. Contribuant souvent à un brouillage des espaces. Occultant les temps conviviaux et sas de respiration d’un trajet entre le travail et le privé.
Face à l’anxiété inhérente à notre vie, notre monde moderne s’est paré de préventions des risques en tout genre et de réponses scientifiques. Nous ne sommes pas préparés à vivre nos propres finitudes.
Promouvant bonheur, immédiateté et jeunesse, les questions sur la fin de notre vie, nos manques et douleurs, sont voilées et ne sont plus pensées mais compensées. Pourtant ces questions et sujets nous constituent. Ils sont inséparables de la vie.
Ainsi depuis quelques mois, le contexte décuple l’anxiété, créant une certaine fatigue physique et mentale, un épuisement. Cette longue période dont on ne voit pas la fin vient aussi heurter notre propre singularité, révélant nos points de faille. Faisant ainsi émerger ce qui se tenait dans nos vies jusqu’à lors.
Cette période s’apparente à un tunnel. Un long couloir obscur dont on ne voit pas encore les portes de sorties possibles.
Souvenons-nous d’ailleurs de ces semaines de confinement. Entre affolement et inconnu générant de profondes angoisses, tristesses et des décompensations pour certains. Et pour d’autres il y eu un refuge, comme un certain bienfait à ce moment de repli.
L’anxiété et le temps
Un temps fait de silence, d’arrêt. Le temps de la lenteur. Vivre le temps de l’intériorité. Certes, tout le monde n’était pas logé à la même enseigne pour traverser ce temps improbable et imposé. Cependant, pour certains, l’occasion a été d’aller chercher en soi, les ressources pour traverser ce moment, l’investir au milieu de notre quotidien souvent saturé d’instantanéités, de consommations et de distractions en tout genre. Les solutions arrivent bien souvent de l’extérieur. Nous coupant de nos intériorités et de nos propres savoirs.
Je vous propose un passage télévisé de France 3 Bretagne, le confinement quelle expérience de vie ?
Bien qu’il date de l’après premier confinement, en septembre 2020, les réflexions partagées entre les invitées témoignent de la créativité, de l’adaptabilité, des ressources. (Encore une fois, sans nier la réalité et la dureté économique de cette épreuve). Le sujet commence à partir de la minute 4’15 avec mes quelques interventions à la suite des témoignages.
Dans cette traversée, chacun de nous saisi que la vie n’est plus et ne sera sans doute plus « comme avant ».
A ce jour, chacun continue de se débrouiller avec le réel, où il y a à supporter de ne pas savoir.
Au-delà de l’actualité sanitaire, penchons nous sur nos éprouvés d’anxiété, d’angoisse
Nous traversons tous ces moments dans nos vies qualifiés de désagréables, douloureux voir dramatiquement lourds. Notamment dans les états de dépressions et d’angoisses.
Ces états naissent à l’occasion d’une mésaventure (une rupture affective, un licenciement, une mise à l’écart, la maladie, la mort…). Cela peut aussi partir d’un évènement mineur en apparence mais venant toucher un point sensible et refoulé, un sujet intime. (comme la mort d’un animal de compagnie, une remarque blessante d’un chef au travail…). La partie invisible de l’iceberg.
Parfois, les causes ne seront pas vraiment identifiables. C’est un état latent et massif dont on ne sait que dire. Il illustre le propos « Ce qui n’est pas venu au jour du symbolique, apparait dans le réel » (J.Lacan). A savoir que ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas voir fera retour dans le réel de notre vie. Pour le reformuler autrement et pour aller plus loin, un point douloureux, dont on ne peut rien en dire. Il nous tombe dessus, dans le réel. Ce point concerne notre vie. Il vient toucher un endroit singulier qui n’appartient qu’à l’intime de notre histoire. Ce point n’est pas parlé, symbolisé et n’est pas arrivé à notre conscience. D’où ces moments de stupéfaction, voir de tétanie lorsqu’il se présente sur son chemin.
Il en résulte alors des passages anxieux, stressants au-delà de ce qui se présente. Le sens en reste masqué et inaccessible.
Qu’est-ce que l’anxiété ?
Toute traversée nébuleuse est donc mêlée d’anxiétés, d’inquiétudes et d’angoisses (ces mots tentent de dire cet état psychique voir physique).
L’anxiété est une angoisse d’esprit, de l’âme. Dans leurs étymologies, l’anxiété, (anxietas) et l’angoisse (angustia/ango) ont une racine médicale. Relative à l’angine, indiquant la gêne et le resserrement. Où s’associent : l’étroit, l’étranglement, le serrerement, l’étouffement.
D’ailleurs dans ces moments là, nous employons, à juste titre, cette impression d’être dans un tunnel. Avoir le sentiment de ne plus respirer et d’étouffer. Ses expressions illustrent bien l’origine du mot.
L’anxiété, à l’image du tunnel et de la traversée floue, est un espace où la lumière n’est plus ou pas encore advenue. On avance sans nos repères habituels ou plus de circonstances et peut être même ont-ils provoqué la crise du moment. Nous sommes dans le trouble, le doute. Nous descendons dans le sombre de la vie, le noir de l’âme. En ressentant cette étroitesse et cet état de resserrement et fermeture, nos peurs surgissent, nous nous sentons coincés.
Bien que le stress ou la peur participent dans certains cas à nous protéger de dangers bien réels, elles bloquent nos propres avancés. Car la peur à avoir avec nos dangers intérieurs, nos propres empêchements et démons. A ce stade, nous ressentons le stress gagner nos pensées et même s’inscrire dans notre corps. Cette période est aussi une grande perte d’énergies. Un épuisement. Laissant bien souvent nos corps et nos réflexions se figer. Incapable d’agir ou penser (se sentir dépasser, impossibilité à faire des choix…) ou bien s’engouffrer dans la précipitation (violence verbale, fuite…).
Il n’est pas rare de voir dans ces moments une succession de déconvenues, de pertes dans plusieurs pans de son existence. Sans nous en apercevoir, nous nous enfonçons.
Que faire de l’anxiété ?
Face à elle, bien souvent la réaction est de vouloir « gérer ses émotions ». Trouver des solutions pour vaincre, combattre ce qui arrive, sortir, chercher du secours auprès des proches. La plupart du temps, dans un réflexe premier et défensif, nous essayons de faire disparaitre ces états inconfortables. Etats étrangers, inquiétants, insécurisants et archaïques. Ceci par exemple par une gestion du mental, fuite dans le travail, une prise médicamenteuse… des détournements qui nous coupent du véritable message de la souffrance.
Cependant, la souffrance anxiogène vient nous interpeller et il est important, à un moment, de se questionner sur la nature de cette souffrance. Quelle vérité profonde tente de me réveiller ?
(J’appelle chacun à son propre discernement, n’occultant pas les véritables bénéfices aux recours ci-dessus).
L’anxiété traduirait elle un non alignement dans nos vies ?
L’anxiété est un appel vers la de prise de conscience. Elle signale dans notre corps et notre esprit que nous ne sommes pas alignés. Nous ne sommes plus en accord entre notre essence profonde et nos actes, nos choix de vie. Ce qui tenait jusqu’à présent par notre propre ignorance commence à faiblir et être en fracture.
En marge des solutions de secours, le pas supplémentaire est de percevoir que nous nous masquons de nous même. D’une part essentielle de nous-même. Oubliant que chacun peut aussi trouver une ressource, un endroit en soi pour supporter la douleur. Voir l’accepter et peut être même la transcender.
« Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été » Albert Camus
Cette pensée profonde ouvre la voie, pour chacun, à une dimension intérieure, à notre portée. Voie insue, tant que nous ne sommes pas allés la rencontrer. (voici un éclairage très simple, entre autre, avec cette interprétation de Fabrice Midal dans une émission radio de France culture)
Que pourrait nous dire l’anxiété ?
Il est important de réaliser que tout processus de changement dans sa vie sera à penser dans un mouvement qui a besoin de temps. Il y aura bien sûr des avancés faciles et fulgurantes (heureusement). En effet, le temps psychique à l’œuvre doit aussi « incorporer » une nouvelle donne, un déplacement de soi, de sa subjectivité.
Ce trajet est fait d’allers et retours. Les épisodes de retour rendent l’avancé ardue, questionnant ou annihilant à l’occasion tout le chemin parcouru.
La confiance, la foi en son évolution prend le temps qu’il nous faut. Ce sont des moments qui requièrent une grande indulgence. Qu’est-ce que l’indulgence ? Si ce n’est compassion et amour pour qui nous sommes réellement. Et non plus l’idée que nous nous sommes fait à partir d’idéaux, de modèles, ou de rôles que nous endossons (par peur d’une séparation affective, professionnelle…).
Ces moments de creux, où nous nous enfonçons dans l’anxiété touchent aussi un point intime qui est notre vulnérabilité. (je vous conseille le livre “vulnérable” de Camille Sfez). Oser être vulnérable.
Rappelons que ces modèles, nous ont été nécessaires pour traverser notre vie jusqu’aux prises de consciences. Il n’y a pas à les renier, car ce serait soi-même que nous contesterions de nouveau.
Tout est juste et est un point d’équilibre à trouver ou à retrouver.
C’est un long parcours d’apaiser ses souffrances anxiogènes
En effet, les promesses d’un rétablissement, d’une mise en ordre rapide des tracas de sa vie… sont un leurre que proposent différentes techniques, discours ou courants. Une promesse de bonheur. Cependant s’occuper de sa propre vie ne peut se trouver dans des raccourcis.
Aller à sa propre rencontre est un voyage à entreprendre à partir de sa propre décision (et pas celle de l’entourage qui veut pour soi). Car c’est un travail du quotidien de se mettre à son propre ouvrage.
Ce chemin a sa propre temporalité. Nos héritages culturels, familiaux imprègnent nos actes et notre interprétation de la vie. Inconsciemment, nous avons mis en place, une façon de faire et d’être au monde. Ceci pour avoir une place, être apprécié, aimé.
Ainsi, nos actes se sont coupés de notre essence profonde, dont nous n’avons plus réellement conscience. Aussi le ressenti stressant peut être considéré comme une alerte. Notre conscience profonde tente de se manifester mais que nos habitudes ou représentations éducatives, mentales ont recouverts. Certains évènements de nos vies, nous amènent aux questions essentielles de notre existence sur terre.
Parfois cette traversé du tunnel est sans lumière pour diriger chaque pas dans ce long passage. Alors, on tâtonne, on trébuche. L’avancement est à petit pas, en prudence, car on ne sait pas, on ne sait plus. Nous avons oublié, voir pas appris à nous orienter de nous-même, avec nous-même. Coupé de nos désirs.
Chacun a à découvrir son propre rythme, face à la relecture de son passé. Entrevoir, traverser ses blessures et s’accorder la paix pour poursuivre.
Quand l’amour de soi se dessine
Aimer ou plutôt s’aimer, ne va toujours de soi ! Alors que l’amour est au fondement et il commence par soi. Souvent, on pense s’aimer. Mais il n’est qu’à s’écouter parler de soi ou de regarder honnêtement ses propres actes pour percevoir la non estime ou le sabotage vis-à-vis de soi. Créant nous-même notre propre trahison.
Dans nos cultures, la plupart du temps, notre vision de l’amour de soi est erronée. Une transmission entachée de perceptions, jugements en nous parlant de l’égoïsme, de narcissisme, d’individualisme, en comparaison avec l’autre meilleur… d’où la mésestime de soi, la non confiance (encore plus saillante chez les femmes, par l’héritage culturelle).
L’amour de soi est la voie de la guérison, de la connaissance.
Aimer c’est aussi aimer nos parts sombres, comme évoquées plus haut.
Nous sommes faits, potentiellement de tous les travers et de toutes les beautés de l’humanité. Il y a à accepter ce fait. Toutes blessures ou colères sont des points d’expressions non reconnus véritablement par soi et qui tentent de se dire ainsi.
Nos points de vulnérabilité ont besoin que nous les reconnaissions en les accueillant avec grande clémence et compréhensions.
Dans ce travail d’évolution, deux choix possibles se dessinent : celui de l’amour véritable ou celui de rester dans le subterfuge de l’égo (le non amour, la peur).
L’amour ou la peur sont les deux portes possibles de ce long tunnel. (Image de l’anxiété donnée au début de cet article).
Tout est juste dans une évolution personnelle. Le travail psychique, intérieur a son propre temps.
Et nous avons toujours le libre arbitre.