Cet article a été rédigé pour le journal “ripame” N°7 pour le pôle petite enfance du cias de Mordelles
Je propose de débuter par une définition du mot adaptation : « l’action d’adapter », ce qui veut dire « ajuster une chose à une autre ». L’adaptation induit une autre notion qui est celle de la séparation, dans la réalité et aussi psychique. La séparation engendre bien souvent une angoisse plus ou moins manifeste.
Pourquoi et pour qui faire une période d’adaptation ?
La question d’une période d’adaptation implique un passage d’un point A (la maison familiale) vers un point B (le lieu où s’exerce l’accueil, la garde), avec les actes de : confier, recevoir, garder, se séparer.
Alors qui doit s’adapter dans cette affaire ? Tous ?
La question est pour chaque protagoniste. Chacun est impliqué à des places différentes, et pas sans charges émotionnelles sur ce que peut susciter l’accueil et la séparation d’un tout petit !
Qu’attend-t-on de cette période, qu’est-elle censée permettre ? Quelle visée a-t-elle ?
Cette période d’adaptation implique que chacun doit prendre le temps de faire connaissance, de découvrir, mesurer, expérimenter à petits pas l’engagement qui sera signé dans un contrat d’accueil.
Le temps de l’adaptation va au-delà du temps chronologique, programmé dans un agenda, il convoque un autre temps qui est psychique, dont nul ne peut prévoir son déroulement ! Ce temps-là est pour chacun.
Quels sont les signes qu’une adaptation est insuffisante, mal déroulée ? Que faire dans ce cas ?
Les signes sont généralement parlants : quand l’une des parties ne vit pas bien la situation, sensation de malaise dans l’accueil, dans les échanges : c’est déjà un signe en soi (par exemple : quelque chose qui ne se dit pas, contournement d’un sujet, des questions récurrentes, qu’une incompréhension s’insère dans les échanges entre parents et professionnel…).
Généralement on le perçoit assez vite mais cela peut être plus diffus, comme dans n’importe quelle relation !
En ce qui concerne l’enfant, celui-ci n’aura pas le langage, la parole à sa disposition (bien qu’avec le langage, tout ne peut jamais être dit). Les pleurs, les cris, l’appel sont à sa portée pour manifester quelque chose, tout comme le retrait du lien (se réfugier dans le sommeil, un regard absent, le refus de se nourrir, refus d’être laissé dans une chambre seul…).
L’important est de chercher avec l’entourage de l’enfant. Avec l’enfant également, lui parler, expérimenter d’autres façons de faire avec lui, être attentif à ses réponses. Car au-delà du besoin auquel on vient répondre, il y a l’enfant à « écouter » dans ce qu’il manifeste à sa façon. Décoder ce que l’enfant exprime par son corps, prend parfois un peu de temps, demande aussi d’avoir des temps pour réfléchir, penser, se décentrer.
Les échanges sont primordiaux entre professionnels et parents. Pouvoir éclaircir ce qui semble poser soucis, question. L’idée est de prendre le temps de la rencontre, de « s’ajuster » à la situation.
En revanche quand la situation est trop complexe, pour le professionnel, il s’agit de pouvoir en échanger avec d’autres professionnels, de prendre un temps pour analyser et percevoir ce qui est en jeu à ce moment dans cet accompagnement. Il est souvent difficile de penser ce qui nous échappe.
Les modalités de la période d’adaptation (modèle d’une adaptation, selon les âges…)
On peut venir répondre à cela, par l’instauration d’une séparation en douceur en augmentant les plages horaires de manière progressive pour que l’enfant s’habitue. Les parents peuvent aussi le confier à des grands-parents, un membre de la famille, une amie pour quelques heures dans la journée. Cela peut permettre de se préparer à l’idée même de « la séparation», d’être gardé par d’autres.
La période d’adaptation sera évidemment à construire avec les parents au regard de leurs disponibilités, le rythme de l’enfant. Le plus simple est de pouvoir inscrire cette période sur une à deux semaines sur des jours consécutifs. En effet une adaptation trop étalée dans le temps risque de compromettre une entrée dans le vif du sujet, (ou serait déjà le signe d’une difficulté à prendre en compte, comme un parent qui a du mal à se séparer et le projetterait sur l’enfant, par ex) ; mais là encore, ce sera en fonction de la situation des parents, de l’assistant maternel.
Suggestions pour les 3 premiers jours d’adaptation du tout petit…
- 1er jour est souvent consacré à faire connaissance, poser les modalités de l’accueil, parler de l’enfant (son rythme, ses habitudes, mais aussi de lui dans la famille la fratrie…), visiter avec lui ce nouvel endroit. L’idée est de prendre le temps de la rencontre en présence des parents. il peut être prévu environ 2h.
- 2è jour : 2h à 3h sans les parents cette fois. Souvent sont amenés quelques objets qui permettent de faire lien (comme une peluche, un tissu…), présentant une continuité pour l’enfant, un repère apaisant.
- 3e jour : augmenter la plage horaire de 2h, incluant un temps de repas et/ou sieste (selon l’âge de l’enfant).
- idem sur les jours suivants de manière à arriver à une journée type (repas, sieste, jeux, petite sortie). Ce programme est à adapter en fonction de l’âge, et aussi en concordance avec les autres enfants potentiellement gardés par l’assistant maternel.
Les amplitudes horaires pouvant être longues pour un tout petit, le lieu d’accueil n’étant pas toujours de tout repos, même si chacun y est attentif, il faut aussi lui accorder le droit d’être fatigué, d’avoir du mal à faire avec. Tous ces changements de rythme sont à prendre en considération, mais il y a aussi un tas de raisons très personnelles qui appartiennent à l’histoire de chacun ! Quelle que soit la modalité pensée, la séparation est une étape ! Elle est au fondement même de l’être.
L’enfant aura à trouver sa manière singulière de venir répondre à cela… pas sans un autre concerné par lui.
Comment préparer le groupe d’enfants à l’arrivée d’un nouvel enfant ? Comment faciliter son intégration ?
Avant sa venue au monde, parfois bien avant, l’enfant est rêvé, parlé. Il existe avant d’être là pour les parents.
Dans le cadre d’un accueil à domicile ou dans une structure collective, les professionnels peuvent aussi parler de cet enfant qui va arriver (prenant souvent la « place » d’un autre parti !). En parler c’est lui faire une place. Les enfants sont attentifs, absorbent ce qui est dit, pas sans questionner les réponses, l’au-delà. Concrètement c’est aussi lui préparer en amont un endroit où il déposera ses propres affaires (le sac, les chaussures…).Tout cela constitue des repères.
Cependant, veiller aussi à ce que cette place ne soit pas trop fermée, lui laisser une place, ou plutôt « sa » place.
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