Le divorce, une épreuve de vie
Passage télévisé de Patricia Blain dans l’émission “ensemble c’est mieux” sur France 3 bretagne en novembre 2020 (le sujet commence à la minute 6.50).
Ces réflexions viennent en résonnance avec le sujet de l’émission ci – joint « réussir son divorce », diffusée dans les périodes de confinement vécues en 2020. Contexte exceptionnel et hors du commun. Nous avions l’obligation de rester chez soi et sortir avec autorisation. Confiné seul, en famille, ou en couple selon le mode de vie de chacun à ce moment – là de sa vie. Outre les incertitudes liées au contexte sanitaire absolument inédit, ces confinements ont eu des incidences notamment au sein des couples, sur ce qui se maintenait jusqu’alors ou frémissait à bas bruit .
Pour certaines unions, les sujets se sont donc révélés ou ont éclaté. En effet, il a fallu vivre ensemble, c’est-à-dire rester enfermé au sens premier du terme avec le ou la conjoint(e) et ce sans les portes de sorties de sa vie quotidienne (activités extérieures, sport, travail, loisirs…). Ces moyens pouvant permettre jusqu’alors un étayage de la relation de couple, malgré tout. Rester quasiment 24h sur plusieurs semaines avec l’autre a exposé vivement les difficultés sous-jacentes. Colères aux débordements parfois dramatiques, conflits en tout genre (désaccords, addictions, infidélités…) ont été exacerbés par cet enfermement, où chacun pouvait être convoqué à penser, repenser sa vie et ses priorités. Un moment d’histoire plaçant le couple face à son moment crucial et le désir de chacun.
Hormis ce contexte lié à la pandémie, le divorce est une épreuve dans la vie. Il est une désunion dans le contrat de mariage scellant administrativement, juridiquement et peut être religieusement deux personnes. C’est aussi une rupture du lien amoureux. Cette rupture affective touche la sécurité du pacte signé, l’idéal de l’engagement dans une union stable et d’une famille. Cette séparation est en soi une épreuve réactivant d’autres séparations oubliées de l’enfance. Elle entraine un long travail psychique, même si le divorce est voulu, voire salvateur. Ce parcours sera évidemment propre à chacun selon son histoire, les résonnances particulières dans ce qui est réveillé, en fonction de ses défenses, ses ressources et du moment de sa vie.
Y a-t-il plusieurs étapes pour traverser un divorce ?
Les étapes sont de plusieurs natures. Celles de la réalité matérielle, juridique, organisationnelle et l’avancée sur son parcours de vie. Il n’y a pas de temps prédéfini, de mode d’emploi pour traverser ce qu’est une séparation. Ce temps peut s’égrener sur des mois, des années ou passer comme une lettre à la poste sur le moment. Il peut aussi surgir plus tard, voir resurgir avec d’autres épreuves ultérieures sans lien apparent. C’est tout un travail qui s’apparente au renoncement, à la perte de l’espace créé et qui n’appartient qu’à la rencontre.
Car toute rencontre amoureuse est une création. Un “nous”. Il s’agit, au moment de la rupture de concevoir cette vie créée ensemble, ce qui va rester, ce dont on doit se séparer. Pour comprendre un peu plus cette création, replongeons-nous au moment de l’heureuse connexion entre deux êtres. La rencontre amoureuse.
Qu’est ce que l’amour ? La question ouvre à toutes les réponses singulières sur le sujet de l’amour. Il n’est qu’à voir la littérature, les fictions, les légendes et bien sûr ses propres expériences pour tenter d’y répondre, tant la définition de l’amour est empreinte de croyances, d’expériences et de sagesse.
La nostalgie de la rencontre
Dans ces grands moments, chacun a eu ses raisons conscientes mais surtout inconscientes de tomber amoureux de cette personne. En effet, la rencontre garde une part mystérieuse qui échappe au sens rationnel. Qu’a-t-on véritablement rencontré de soi dans l’autre ? Qu’est ce qui est venu bouleverser un point essentiel en soi ? Et quelle étincelle de l’autre ai-je vu dans la rencontre, la véritable face de l’autre (parfois inconnue de lui ou d’elle) révélée en un instant fulgurant et qui m’a séduit(e) ? Par le biais d’un détail touchant, un signe anodin mais marquant, une attention particulière, un partage émotionnel… quelque chose a traversé au-delà du geste. Une invisible grâce a réunie, accroché deux êtres. Nous pourrions évoquer ces instants comme magiques, puissants. Quelque chose de notre être s’élève, se trouve enchanté car l’amour touche à notre véritable nature. Cette révélation reste donc mêlée à l’autre, ce qui peut aussi expliquer la difficulté de se séparer car l’autre détiendrait ces parts de soi et de l’autre révélées.
En marge de ce ravissement, voire de cet éblouissement, la réalité n’en reste pas moins présente même si elle s’en trouve embellie (et tant mieux !). Sur cette promesse fantasmée du bonheur en direction de l’avenir, un espace psychique à deux s’invente. Cependant, dans le lien à l’autre, d’autant plus le partenaire amoureux, chacun remet en scène ses propres sujets, sa façon de se tenir dans le monde, projette ses idéaux, ses aspirations, ses croyances et se confronte aussi à ses difficultés, ses contradictions, ses travers. Les siens et ceux de l’autre. Chacun compose avec l’autre et avec soi-même, des arrangements se trouvent dans le quotidien, des habitudes s’inscrivent comme repères. C’est en ce sens que l’amour est une création.
Ainsi la grâce subtile et profonde de la rencontre se transforme par le contexte de la réalité, mais peut aussi s’effacer et se perdre, d’où cette nostalgie éprouvée. La séparation est le chemin pour quitter l’autre.
La rupture est une déchirure
« La rupture est une déchirure » pour reprendre les propos de la philosophe, Claire Marin dans son livre “rupture(s)”
Déchirure fait entendre que la coupure ne peut être nette et tranchée (même si da ns les faits juridiques, administratifs, la séparation le sera). Car se serait nié la part humaine, riche et profonde, qui anime chacun dans le lien à l’autre. Si le mariage était une simple union physique, administrative le divorce n’aurait pas une telle répercussion. Le divorce est un acte qui sépare deux êtres qui s’étaient mis d’accord pour traverser la vie ensemble. Il n’est qu’à regarder les disputes, affrontements voir les combats sur des années pour arriver à se séparer. Ceci témoigne du processus long pour se redéfinir soi – même séparé de l’autre en soi.
Car on y a mis de soi, se mélangeant à l’autre dans l’œuvre de l’union. Au point qu’il peut arriver un oubli de soi dans l’histoire, ou volontairement un aveuglement de soi, une mise de côté de ses désirs profonds tant il peut être douloureux de se pencher sur les questions existentielles, la vie, la mort.
Divorce, la séparation avec le partenaire
Le partenaire, cet autre, a répondu un temps à l’idéal, aux rêveries, (en faisant écran aux propres interrogations intimes) mais finit par apparaitre au grand jour et laisse donc au pied de son propre mur. A l’épreuve de la réalité, les apparats de l’illusion se fissurent et laissent entrevoir ses propres manques, le manque existentiel. Va-t-on pouvoir continuer à aimer véritablement cette personne ? Prendre la responsabilité, soutenir l’autre comme le voudrait le pacte ?
Parfois, une autre rencontre relance l’espoir d’une vie nouvelle, une réponse possible à l’énigme de la vie, comme une libération. Un allégement de ce qui n’était au fond pas calmé de soi, juste endormi, consolé un temps avec l’autre et qui s’est peut être accentué en nous éloignant de sa véritable nature.
La séparation est le chemin pour quitter l’autre en soi
Un autre que l’on a incorporé dans cette vie à deux, en épousant le nous.
L’expression se retrouver exprime bien à elle seule cette volonté de se reprendre ou de se déprendre de l’autre et de ce nous en soi. Car nous sommes fait de chairs, d’affects, de sentiments que nous avons mêlés aussi au corps et à l’âme du partenaire dans cette volonté de faire un, ensemble. Il n’est pas surprenant de penser ou faire au regard de l’autre même des années après la séparation. Il n’est pas non plus surprenant d’éprouver de la trahison, de la culpabilité selon l’histoire même des années après : ces éprouvés sont extrêmement précieux car ils parlent de votre conception de la vie, de vos croyances, de vos héritages émotionnels, éducatifs.
Le véritable point est celui de sa blessure d’amour, celle projetée dans les relations amoureuses (mais aussi amicales, professionnelles). C’est ainsi que lorsque deux êtres se désunissent, les remises en question sont intéressantes si ce n’est nécessaires, car le même schéma à toutes les chances de se reproduire dans les relations futures. La séparation par le divorce est aussi un coup porté aux univers familiaux, amicaux, sociaux qui se sont aussi rencontrés et mariés par cette union.
Le temps est propre à chacun et n’est en rien linéaire
L a séparation est une épreuve, qui fait partie du trajet de vie fait d’explorations, de renoncements à ses idéaux et peut aussi engager une réflexion existentielle, spirituelle. La rupture, dont le divorce, touche à la profondeur de la vie. Rappelons-nous que la première séparation est la naissance, lors de sa mise au monde . Cette séparation d’avec le corps de la mère est vitale, pour naître à soi-même… même si cette naissance ne peut survivre sans l’autre.
Réussir son divorce
Formule surprenante et sans doute hors propos de penser réussite pour une telle expérience de la vie. Face au long processus de séparation, je vous propose plutôt la formule réussir à divorcer.
L’air de notre époque prône la réussite et ne cesse de nous rappeler que nous aurions à disposition toutes les distractions et solutions pour pallier ou écarter les épreuves. Oubliant que l’épreuve vécue, subit, traversée porte en son sein le cheminement le plus sure, certes plus long, car aussi fait d’impasses et d’échecs. Echec est (malheureusement) connoté de façon péjorative et notre société, qui veut des réponses à tout, a du mal à faire une place à ces moments de creux dans nos existences. Alors que ces périodes éprouvantes sont le lit de nos avancés. Les allers et retours sont le mouvement même de la vie. Donc, le divorce ne peut s’envisager comme une case à cocher parmi sa liste de choses à réussir. C’est aussi faire place honorable à l’humain, à la subjectivité qui ne peut être quantifiée et ou qualifiée à tout va.
Evidemment, chaque couple se séparant veut tout de même réussir son divorce. Que veut-on réussir au fond ? Ne serait-ce pas ne trop souffrir ? Nos temps modernes ont aussi oublié que la douleur est consubstantielle à la vie. Tenter de nous épargner le malheur, la souffrance parait logique mais c’est aussi se priver d’une part de soi. La souffrance a en son sein le pouvoir de transformation. Mais celui-ci ne répond pas dans l’immédiateté. Traverser la souffrance suppose une descente en soi au plus profond de la douleur, aux racines de notre blessure et probablement s’y trouve son remède, notre conscience.
Dans cette volonté de réussir il y a aussi celle d’épargner la souffrance aux enfants, s’il y en a.
Là est un autre sujet, celui des enfants du couple qui se sépare. Il y a aussi à laisser aux enfants leur temps de compréhension face à ce toit familial qui se fissure. Les enfants ont surtout besoin d’être assuré de la présence responsable des parents, malgré la séparation. Les premières questions peuvent être tout simplement l’assurance qu’ils vont bien garder la même école, les mêmes copains, activités. Ils sont dans l’ici et maintenant. Leurs questions, leurs pensées vont se déplier au fil de ce nouvel espace des parents divorcés. Ils doivent aussi faire avec les paradoxes de la vie, qu’ils découvrent où le couple conjugal se sépare mais pas le couple parental. Chose claire dans les dits mais plus complexes, car l’enfant est aussi issu de ce couple conjugal.
Les enfants ont aussi un travail de découvertes de cette nouvelle configuration, des nouveaux repères.
Cet article parcourt d’un point de vue général et à partir d’une question dans un média le point du divorce, sous l’angle de le réussir. Il est évident que le sujet du divorce, de la séparation ne peut se réduire à ces quelques réflexions, qui feront écho ou non pour vous, car il s’agit pour soi toujours d’autre chose qui ne peut être retranscrit dans un article. Chaque histoire est singulière et ne peut être condensé en quelques lignes.
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